Parfois les choses évoluent lentement, de manière plus subtile. Les changements s’insinuent un peu comme un vague impression et sans nous surprendre. Boréale est une jument discrète qui peut à la limite paraître détachée. Au lieu d’exprimer clairement et rapidement ce qu’elle pense comme le fait Charming ou Karel à la première occasion et à la moindre sensation, elle attend et observe. Dans un sens, plus tolérante mais pas moins sensible aussi je n’ai pas besoin de pousser loin la pression quand je lui demande quelque chose, je sais qu’elle est là, avec moi, qu’elle comprend et répond. Ses mouvements sont lents et réfléchis. Dès la première rencontre il y a près de cinq ans, attirée autant par sa réserve que sa détermination, elle m’a donné le goût de poursuivre mon cheminement de cavalière avec elle.
Si elle reste placide la plupart du temps, dans certaines circonstances une implosion potentielle fermente sous la puissance de ses 1600 livres. Comme on dit : « Méfiez-vous de l’eau qui dort ». Elle a beau être grande, dominante et imposante, à juste titre elle est apte à réagir à n’importe quel stimulus, un réflexe naturel que seul un cheval peut réellement comprendre. Du point de vue du cheval, être alerte, sensible et prudent constituent des qualités dignes d’un bon leader et un gage de survie. La témérité relève plus d’un manque de jugement. De mon côté, à les côtoyer j’apprends la vigilance et je comprends de mieux en mieux ce que veut dire la phrase que tout bon Horseman connaît et qui dit : « Qu’il faut être prêt à l’imprévisible ».
Petit à petit, je découvre Boréale à travers ses penchants et ses peurs, exploitant les unes pour atténuer les autres. De différentes façons, elle m’exprime de plus en plus son désir d’être avec moi. À la manière de me chercher du regard et d’anticiper mes demandes, je sais que je ne suis pas seulement celle qui apporte la bouffe mais aussi celle qui nourrit son esprit et lui offre un certain réconfort.
Elle me l’a prouvé dernièrement. Un matin en allant la chercher, après que je lui ai attaché son licou, elle s’est penchée pour saisir un brin d’herbe et la poignée de la corde munie d’un ressort qui était accrochée sur la barrière s’est pris solidement dans son épaisse crinière. Saisie de panique, elle a tout arraché et s’est mise à courir à travers les arbres. Je voyais les deux cordes, celle du licou ainsi que le long fil de clôture électrique s’enrouler autour des arbres, de son corps et de ses jambes. Après quelques tours d’épouvante, elle est revenue me trouver pour s’arrêter (ou presque) près de moi. Elle essayait de maitriser sa frayeur pendant que je ramassais la corde du licou afin de l’orienter vers moi et la rassurer. J’ai téléphoné à Judith qui n’était pas trop loin pour qu’elle vienne m’aider à couper la grande corde qui l’encerclait et finir par dégager la poignée bien entortillée dans sa crinière. J’ai réalisé à ce moment-là l’importance de rester calme dans une situation dangereuse. Là-dessus on n’est pas tellement différents des chevaux; on prend nos décisions en fonction de nos connaissances et de notre expérience. Boréale a fait la moitié du chemin en me faisant confiance et j’ai pu lui démontrer mon leadership en prenant la situation bien en main.
Elle m’a suivie ensuite avec Karel dans le manège sans montrer aucun signe de stress, comme s’il ne s’était rien passé. Elle a beau jouer de la guitare et se faire un nouvel ami, je me méfie quand même des petites plaques de glace qui glissent sur la toile du manège. C’est plus fort qu’elle, elle peut réagir extrêmement vite!
(1er décembre 2024)
Quel genre d’émotion la vision d’un cheval couché suscite-t-elle?
En écrivant ces mots je vois Boréale au loin se rouler dans le sable mouillé du grand enclos. Je me revois instantanément cet avant-midi, à manger de la poussière en brossant son épaisse fourrure avant de mettre la selle. 😝
C’est souvent par beau temps que j’ai le plaisir de regarder d’un œil attendri nos chevaux en train de relaxer sur le sol, les yeux mi-clos et les jambes pliées en-dessous d’eux. C’est le moment alors de s’arrêter deux secondes pour apprécier la tranquillité et la beauté qui m’entoure. 😍 😌
Il m’arrive cependant qu’à la vue d’un cheval étendu de tout son long, je m’immobilise un instant en arrêtant de respirer le temps que se manifeste le moindre petit mouvement et de réaliser qu’il bouge encore… 😳🙄
Un cheval qui se couche, se roule, se lève, se recouche et se roule encore…ça donne des sueurs froides. Ah non !!! Qu’est-ce qu’il a ??? Une colique ??? 😨🤔
Charming ou Billy qui subitement se laissent tomber sur le sol en plein milieu d’un exercice, ça me rend perplexe…généralement ça veut dire plus : « Je ne veux pas ! » que « Je ne peux pas !» 🫤🤨
Windy, qui s’était approprié tout l’espace autour de l’écurie, m’a causé beaucoup d’inquiétude à la fin de sa vie, à me demander s’il allait être capable de se relever lorsqu’il se couchait pour se reposer un peu n’importe où sur le terrain. 🥺
Comme pour Gaby qui pour son jeune âge passait bizarrement trop de temps sur le sol. 🧐
Personnellement, je n’ai jamais eu envie de faire coucher mes chevaux sur demande. À mon idée, c’est quelque chose qu’il font mieux sans nous et dans un but précis. Habituellement je les laisse faire lorsqu’ils en expriment le besoin. Par exemple, Charming aime se rouler dans le manège avant les exercices ou après quand je la monte. Boréale adore se rouler dans le sable en avant de l’abri quand je l’amène au champ. Billy, le petit comique, c’est surtout quand on lui demande quelque chose… et d’un côté à l’autre, dix fois plutôt qu’une. 😅
Chose certaine, en tant que proie, pour réussir à dormir pendant quelques minutes dans une position plus vulnérable qu’en restant debout, le cheval a besoin de se sentir en sécurité et en confiance, loin des prédateurs, de préférence dans un environnement familier. Ici, Windy se détend complètement en compagnie de ses deux gardes du corps du moment, Queen’s last love et Shany, qui font le guet. 🤫
Autant dans un box suffisamment grand et couvert d’une litière propre que dans un enclos en bonne compagnie, il est difficile de prédire quand notre cheval choisira de s’étendre et se détendre. Pour avoir la chance de partager ce moment avec lui, vaut mieux s’approcher doucement en baissant notre énergie au maximum (zéro pression) pour ne pas l’alerter. Quand on y parvient, une sensation de bien-être vient consolider cet autre bel épisode dans la recherche et la création d’une belle relation avec lui. 🙂🥰
(22 novembre 2024)
Je vous explique le contexte. Gaby vient de mourir. Sa grande sœur Karel doit aller rejoindre Boréale qui est arrivée à la ferme quelques mois plus tôt et qui étais destinée à devenir sa nouvelle compagne. En attendant le départ de Gaby, Maggie, qui faisait ménage à trois avec Charming et Summer s'est prêtée volontiers au jumelage avec Boréale le temps d’un hiver et d’un printemps. Elle peut maintenant retourner dans son ancien parc pour retrouver ses deux copines d’avant.
L’intégration ne crée pas trop d’inquiétude, les trois filles se connaissent bien. Maggie ne questionne pas son rang par rapport à Summer. C’est chose réglée depuis longtemps; malgré un rapport de force à peu près égal, il a été établi que la jument grise appuierait sans trop de discussion les décisions de la belle jument paint. Celle-ci continue donc de manger sans trop se sentir concernée mais en gardant manifestement un œil averti sur la suite des évènements.
Comme pour vérifier si les choses ont changé durant son absence ou pour rappeler à Charming : « Qui fait bouger qui! » (C’est-à-dire qui est le boss), Maggie fait une première approche, le cou arqué, déterminée. Charming, tranquille en train de manger, la voit venir. S’ensuit un bref contact qu’on pourrait presque qualifier d’amical à voir leur attitude plutôt calme. Sans plus de réaction Charming se remet à son foin. Après une petite pause, Maggie pointe son nez dans la mangeoire. Serait-ce pour tasser Charming ... pour une petite causette ou pour simplement partager son repas? Sans la moindre obstination Charming lui laisse la place et s’en va retrouver Summer à l’autre mangeoire.
Là, on a la réponse à nos questions lorsque Maggie, sans prendre la moindre bouchée, fait un demi-cercle pour venir s’installer devant elles; délicatement elle s’interpose entre les deux. Mais cette fois, voyant que Charming ne réagit pas, d’un brusque et éloquent mouvement, elle la chasse.
Maggie poursuit Charming avec l’idée peut-être d’engager une vraie discussion mais celle-ci revient à son lunch. Exaspérée, Maggie part en courant. Pour la première fois la brunette lâche le foin un moment pour s’adresser à Maggie. Elle fait quelques pas en se grandissant, couche les oreilles brièvement puis revient trouver sa blonde. Maggie change d’attitude et vient les rejoindre cette fois, sans plus d’intention…la tête basse.
Malheureusement les vidéos s’arrêtent là. Je suppose qu’instinctivement j’avais saisi que la discussion allait continuer de tourner autour du même sujet : Maggie qui cherche à en imposer à Charming qui se réfugie auprès de Summer.
J’ouvre une parenthèse pour dire que j’aurais pu simplement écrire : « Maggie qui cherche à en imposer à Charming qui décide de changer de mangeoire ». À tort ou à raison je me suis permise d’insinuer que Charming, forte de sa connexion avec Summer a choisi délibérément de se rapprocher d’elle. Si j’ai fait cette supposition, ce n’est pas pour rendre la scène plus intéressante, c’est juste par extrapolation d’événements plusieurs fois observés.
Je m’explique. Charming s’est toujours sentie plus forte en compagnie de son leader. Je ne sais pas comment elle fait mais autant Zig, Summer que moi-même, on a dû souvent intervenir et se défendre d’une situation malencontreuse que (l’ensorceleuse) Charming avait elle-même crée. Elle doit avoir un don pour ça. Combien de fois j’ai vu Zig édifier une barrière de protection autour de Charming pour éloigner les autres. Aussi, pour l’avoir souvent vécu,Maggie sait pertinemment que Summer risque de prendre la défense de Charming. En ai-je pas été témoin cet été en faisant brouter Charming alors affligée de son terrible ulcère cornéen ? Summer est venue appliquer ses deux postérieurs sur le côté de Maggie pour l’éloigner de Charming. Je n’ai pas vu les signes qui justifiaient cette démarche, mais je fais confiance à Summer; les chevaux ne font rien pour rien. Cependant, seule avec Maggie, Charming n’a jamais fait le poids. J’ai pu voir Maggie lors d’un voyage en Ontario alors qu’elles partageaient le même parc, établir ses règles en empêchant même Charming de boire de l’eau. C’était pousser loin la mise au pas…
Plus tard, pour préserver les ligaments et tendons de Charming qui avait tendance à se blesser au cours de leurs échauffourées rapides mais parfois intenses, j’ai décidé de la séparer de Maggie, toujours en proie à clarifier sa hiérarchie dans le trio improbable.
Mais encore maintenant, quand je vais chercher Charming dehors le soir pour la ramener à l’écurie, elle se fait plaisir à essayer de mordre Billy qui, haut comme trois pommes, réussit quand même à lui faire peur quand je ne suis pas là.
Dans ce court vidéo d’à peine quelques secondes, j’admire la persévérance, la vivacité, l’intelligence et la délicatesse de Maggie qui s’active à reprendre sa place au centre de l’échiquier. Elle agence prudence et précision pour se faire comprendre de Charming sans trop alerter Summer. Elle gère bien ses émotions, de la frustration jusqu’au calme, déterminée à passer le message. Elle n'est pas agressive, elle élève parfois le ton pour se faire comprendre.
D’un oeil affectueux mi-figue mi-raisin, je reconnais le comportement de Charming qui s’arrange pour garder sa pseudo dominance en utilisant, j’aurais assez tendance à le croire, les autres comme bouclier.
Quant à Summer, brillante, en bon chef de groupe elle observe tout en permettant à ses congénères de prendre leur place et de se commettre dans le maintien de l’ordre.
Avoir l’opportunité de les côtoyer régulièrement, de les connaître mieux, pas parfaitement, me permet d’anticiper, de déduire ou d’entrevoir certaines de leurs conversations ainsi que les émotions qu’elles vivent à travers leurs interactions. Je considère comme un privilège et un immense compliment de me faire accepter et de me faire reconnaître en tant que leader quand je m’intègre dans le troupeau de deux que je forme avec chacune d’elles. C’est une remise en question continuelle et comme pour le respect : difficile à gagner mais facile à perdre.
Si on extrapole encore un peu… c’est le genre de scénario qu’on a des chances de retrouver un peu partout et à plusieurs niveaux dans notre société. Cependant, j’ajouterais avec une pointe d’ironie et d’humilité que nos amis équins maitrisent beaucoup mieux que nous l’art de choisir leur leader.
(18 novembre 2024)
J’ai accroché sur cette photo sans trop savoir pourquoi. Naturellement, en voulant écrire, je me suis questionné. Et j’ai cherché longtemps. Plusieurs idées en sont ressorties que j’ai ensuite analysées. J’ai mis en doute mes impressions et en banalisant l’image, ou ce que j’en pensais, j’ai tenté de l’écarter.
Pour en finir…et en quelque sorte en passant au suivant, j’ai eu envie de vous demander ce qu’elle représente pour vous ou ce que vous voyez. Pour simplifier, j’émets ici quelques hypothèses :
-Un homme à côté d’un cheval sous un ciel bleu.
-Un beau grand cheval caché derrière la silhouette d’un homme.
-Un homme, les mains sur les hanches qui reprend son souffle les yeux fermés.
-Un cheval dont le poil et la crinière rappelle la couleur des cheveux de l’homme.
-Le corps d’un cheval et d’un homme dont les formes s’amalgament.
-La tête de l’homme se confond avec celle du cheval.
-L’homme et le cheval semblent à la même place, pensifs.
-Le cheval tend légèrement l’oreille vers l’homme, la paupière un peu abaissée.
-L’homme se détend, laisse son énergie descendre.
-Ni l’homme, ni le cheval ne met de la pression sur l’autre.
-Le cheval semble légèrement tourné vers l’homme.
-L’homme semble se reconnecter ou regrouper des idées.
-Le cheval a une corde autour du cou mais la corde est relâchée...
Et encore bien d’autres constatations ou même résultats de notre imagination.
Curieusement, au cours de mes réflexions un mot m’est revenu souvent : « Equus ». Grosso modo cela veut dire « cheval » mais je retiens plutôt la définition que Pat Parelli lui donnait : « Equale us ». Peut-on seulement imaginer que le cheval est notre égal…
En ouvrant notre esprit, je pense que oui. Sous certains aspects il peut même être supérieur et aussi moins apte ailleurs! On peut s’arrêter à ne voir qu’un cheval, qu’un animal, ou regarder plus précisément, plus longuement, plus loin, au niveau de la relation ou des émotions, à l’intérieur de nous.
Sans jugements aucun, on est tous plus ou moins enclins à s’attarder sur les images qui nous touchent, au cours de notre vie, au fil de nos passions. Difficile de juger de la sensibilité des autres qui voient les choses sur des perspectives différentes. La photo ici me concerne particulièrement car en premier lieu elle représente Ghislain, mon conjoint, à un moment intéressant de notre vie en compagnie des chevaux et Gaby, la cadette de nos trois Appaloosas qui est partie trop tôt avec toutes les caractéristiques propres à elle, avec un problème de santé qui restera en grande partie un mystère pour nous. Alors, une seule photo peut faire revivre beaucoup de choses et nous amener loin dans nos souvenirs. Dans ce cas-ci, cette photo avec Gaby me rappelle qu’à certains moments vers la fin sa vie, son œil très noir me faisait plus penser à un abysse profond qu’à une lumière prometteuse.
Mais c’est en relisant « Mémoire d’Hadrien » de Marguerite Yourcenar, que j’ai trouvé selon moi la plus belle métaphore pour représenter le cliché de ces deux têtes superposées. C’est quand cet empereur, en parlant de son cheval dit : «Entre Borysthènes et moi, les rapports étaient d’une netteté mathématique : il m’obéissait comme à son cerveau, et non à son maître.»
(11 novembre 2024)
Comme pour les humains, les relations entre les chevaux sont indéfinissables. Ce qui paraît simple comme bonjour au départ peut devenir aussi complexe qu’une vie entière. Qu’on parle d’affinité ou de chimie, même à travers les faits et les gestes il y a quelque chose d’insaisissable qui pousse à agir et incite à réagir. Du moment où un individu se présente à un autre individu jusqu’à ce qu’une entente mutuelle s’installe avec ses règles et ses limites, il y a deux mondes à découvrir et à respecter.
J’ai eu beau connaître mes chevaux à leur manière d’être avec moi, j’ai souvent été surprise par leur façon d’évoluer entre eux. Observer comment ils s’y prennent pour se faire valoir ou se soumettre; supposer d’après les attitudes; cela ne m’a pas empêché souvent d’être déconcertée par le résultat. Je m’étais trompée sur le vainqueur lors du combat de boxe entre Windy et Queen’s. Je n’ai jamais compris la relation qu’entretenais Zig avec Charming; encore moins du ménage à trois quand Maggie faisait peur à Charming qui faisait peur à Zig qui faisait peur à Maggie… Je garde un intérêt constant à les surveiller mais en même temps je me résigne à leur concéder ce territoire qui à vrai dire, leur appartient.
C’est avec une certaine appréhension, en me basant seulement sur le côté opiniâtre et démonstratif de Karel, que j’attendais le moment d’intégrer celle-ci avec Boréale qui était destinée à devenir sa nouvelle compagne de vie. Deux jours après la mort de Gaby qui avait été sous sa tutelle depuis leur arrivée à la ferme, j’amenais Karel dans le grand parc pour rejoindre Boréale et Maggie qui y broutaient paisiblement.
Je vous laisse admirer ces images, considérant que c’est un immense privilège de revoir et assister au déroulement de ces premières rencontres où les juments pour la circonstance, ont déployé un maximum d’énergie et de beauté dans leur manière d’être et de faire.
(Premier vidéo 1.31 min) D’un pas assuré, Karel fait les premiers pas. S’ensuit une longue discussion avec Boréale. Karel se retire tandis que Boréale rejoint Maggy.
(Deuxième vidéo 1.06 min) Karel semble se diriger vers Maggie qui s’efface. Réaction similaire après discussion avec Boréale.
(Troisième vidéo 49 sec) Karel va encore à leur rencontre, Boréale la renvoie de façon explicite.
(Quatrième vidéo 1.09 min) Karel est frustrée et tendue. Boréale et puis Maggie vont vers elle, calmes et déterminées.
(Cinquième vidéo 1.32 min) Karel cherche à se sauver. L’excitation est à son comble, beaucoup d’exubérance!)
J’ai décidé d’intervenir lorsque j’ai vu Karel se précipiter à la barrière sous le mode panique. Le niveau d’action avait augmenté d’un cran avec Maggie qui avait rejoint Boréale et toutes deux poursuivaient Karel dans un ratio de deux contre une. Justifié ou non, guidée par la crainte et la prudence, j’ai décidé d’intervenir et remettre la confrontation au lendemain dans l’idée peut-être de laisser le temps à Karel de se remettre de ses émotions, de réévaluer les enjeux et ajuster sa stratégie.
Je doute qu’on puisse aussi simplement présumer de ce qui se passe dans la tête du cheval. Mais je crois sincèrement qu’ils arrivent à analyser, tester pour finalement adopter la bonne position dans une situation donnée. Si on enlève les facteurs de « stress » et de « peur » bien entendu.
La deuxième journée, j’ai amené Karel cette fois pour un face à face, seule à seule avec Boréale. Cette fois, c’est Boréale qui s’est approchée vers Karel qui semblait moins audacieuse que la veille. Elle adopte tout de même la même attitude, le cou arrondi, muscles tendus devant l’imposante Boréale, calme et sûre d’elle. Habituée à exercer le rôle de dominante, Karel est confronté à la sensation d’impuissance dans un rapport de force inégal : sa charge émotionnelle énergique, explosive, face à celle plus « tranquille » mais redoutable de Boréale. Elle choisit la fuite en tentant de prendre le large… ou chercher une porte de sortie !!! Un peu triste de voir Karel coincée dans ses idées, j’ai préféré intervenir encore une fois en lui offrant un autre répit.
Je me doutais que cette nouvelle intégration serait plus difficile pour Karel qui avait acquis au fil des années l’étiquette négative de celle qu’on préfère ne pas avoir dans son troupeau à cause de ses réactions imprévisibles et son expression très affirmée face à ses congénères. Pour succéder à Gaby, sa sœur et sa compagne de toujours, j’avais recherché un cheval doux, sociable avec un bon caractère. Boréale avait tout ça. Dans le monde des chevaux, j’imagine que son énorme stature lui donne un avantage non négligeable mais je dirais aussi que la force qui se manifeste dans son cri rauque et dans le direct de ses postérieurs quand elle réplique, a quelque chose d’assez convainquant. Quelque mois auparavant quand Boréale est arrivée à la ferme, cela avait pris à peine deux minutes pour que Maggie, notre brillante QH/Arabe, lui concède la première place. Pourtant l'intégration de cette dernière avec Summer leur avait causé à toutes les deux quelques blessures sur une longue période de temps où ni une ni l'autre ne semblait vouloir abdiquer.
La troisième rencontre pour Boréale et Karel s’est déroulée dans le parc destiné à être le milieu de vie des deux juments. Une longue session débute avec Boréale qui, en bon leader met juste ce qu’il faut de pression pour permettre à Karel d’accepter et d’occuper dignement la place qui lui revient. Comme si Boréale avait compris qu’il faut laisser du temps à Karel pour assimiler, elle s’arrête souvent, parfois elle mange, mais jamais elle ne la perd de vue. Elle ne démontre pas d’émotions, elle reste connectée et suit Karel. Elle continue de « matcher » l’énergie de Karel en accélérant quand il le faut ou en mettant un peu plus de pression avec son nez et son arrière-main si nécessaire. Karel exploite d’abord le terrain au maximum. Lentement, elle rapetisse son champ d’action autour de Boréale. Elle explore, fait des tentatives. Les émotions passent du galop au trot et puis au pas.
En s’ajustant à l’énergie de Karel, en se basant sur le niveau de confiance que Karel démontre envers elle, Boréale utilise l’approche-retrait qui permet à Karel de baisser tranquillement son niveau d’agitation pour en arriver au calme et à l’entente finale qu’on a eu le plaisir de constater à la toute fin des échanges.
C’est avec beaucoup d’admiration que j’ai revu mes juments en action à travers les vidéos. À leur manière d’aller à l’encontre de l’autre et par les discussions qui s’ensuivent, elles communiquent de tout leur corps avec l’énergie qu’elles dégagent. Par l’emplacement qu’elles occupent et les déplacements qu’elles maitrisent, elles signifient leur intention en utilisant l’environnement. Elles le font avec grâce et dans le respect de l’autre.
Peut-on ici y voir de l’enseignement…, de la psychologie…, un message philosophique?
Les chevaux sont des êtres vivant en société et on a tendance à l'oublier. Ils communiquent, on n'y prête pas trop attention. On pourrait au moins réaliser à quel point ils sont plus beaux quand ils peuvent s'exprimer !
(29 octobre 2024)
Puisqu’il faut des clôtures, parlons-en. Nous n’avons pas pensé en 2002 lorsqu’on a construit notre premier enclos pour les chevaux, que des poteaux et des madriers de bois, ça se brise, ça se dépeinture et se mange... Année après année, après bien des réparations et des retouches, l’usure et les ravages du temps nous ont décidé à remplacer notre belle clôture blanche qui s’agençait si bien avec l’écurie.
Cette fois-ci, on a choisi des matériaux différents, à l’épreuve des coups, de l’humidité et des dents. L’efficacité et le talent se sont mis à l’œuvre, en voici la preuve.
(24 octobre 2024)
Une expression qui me fascine et qui me parle!!!
Je ne peux rester indifférente à son appel, son attention dirigée vers moi comme pour me dire : « Je suis prête maintenant à retourner dans l’autre parc. »
Ses deux oreilles sont dirigées vers moi pour prendre contact et poser la question.
Son corps mi-tendu, sa tête relevée sur le bord de la clôture, tout semble m'indiquer qu’elle veut sortir.
Immobile, attentive, elle surveille mes moindres gestes.
J’aime quand mes chevaux amorcent la communication. Je réponds souvent par oui, des fois par non, mais toujours avec des yeux qui en disent long à quel point je les trouve beaux.
(18 octobre 2024)
On aime les chevaux pour leur beauté, la puissance et l’élégance de leurs mouvements. On aime les écouter manger paisiblement et les observer quand ils jouent et se provoquent.
Il faut les aimer beaucoup pour s’en rendre compte lorsqu’ils ont un problème. En tant que proie ils ne vont ni se plaindre, ni le laisser paraître. Les signes peuvent être très subtils parfois et se cacher derrière notre envie de ne pas les voir.
Pour avoir eu treize chevaux durant nos trente dernières années, c’est évident que la nature ne nous a pas épargnée côté maladies et nous a fait passer à travers différentes émotions, du questionnement à l’investigation jusqu’au soulagement quand on a trouvé la cause du disfonctionnement, si on la trouve bien entendu.
Les problèmes de santé sont aussi variés que chez l’humain. Il y a ceux qu’on peut prévenir avec un bon entretien et une bonne hygiène; on pense bien sûr aux soins des dents, des sabots, du poil et de la peau. Il y a ceux qui arrivent sans prévenir, causés par un traumatisme dans un banal accident ou une réaction émotive non contrôlée. Il y a les mauvaises surprises comme un billet de loterie offert par la nature et sa génétique. Et puis diverses manifestations du corps, problèmes musculaires, squelettiques et organiques face è différentes irritants, à l’âge ou à la vie tout simplement.
Ghislain et moi on a fait face plus d’une fois dans le passé à des situations qui ont nécessité que l’on combine le calme et la patience de l’un aux connaissances et à la débrouillardise de l’autre. Quelques-unes d’entre elles, rattachées à certains de nos chevaux qui ne sont plus avec nous, mériteraient que je m’y attarde mais je me propose plutôt de réserver cela pour de futurs récits.
Cette année seulement, j’ai eu droit à trois assez gros défis.
Au mois de février, je me préparais à monter Boréale dans le manège quand j’ai remarqué quelque chose d’étrange en la faisant tourner sur un petit cercle. Mon attention s’est portée sur son postérieur gauche. Une contracture se répétait à chaque pas; beaucoup de points d’interrogation, pas d’évidence à part celle d’un réel inconfort. J’ai eu ma réponse le lendemain, presqu’avec soulagement sachant que les abcès dans le pied d’un cheval sont très douloureux, mais finissent par guérir une fois drainés. J’ai quand même eu des sueurs froides quelques mois plus tard, en voyant les répercussions sur la paroi de son sabot.
En avril, un changement d’attitude chez Karel m’a alerté : une perte d’appétit surtout et de l’apathie. La vétérinaire est venue rapidement pour l’examiner. La fièvre et des signes très significatifs dans le sang d’une inflammation suggéraient une administration immédiate d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires. L’analyse plus approfondie a mis en évidence une formule sanguine anormale, témoignant que son système réagissait très fort à quelque chose qui restait pour nous de source inconnue. Comme elle ne buvait pas, elle risquait de faire une colique et c’est ce qui s’est passé deux jours après. Comme Karel ne tolère pas d’être confinée au box, il a fallu la surveiller de près pour qu’elle puisse recommencer à manger sans que sa compagne Boréale s’empare de la presque totalité du foin. Bref, deux longues semaines pendant lesquelles Karel a repris des forces progressivement, assez pour qu’une deuxième analyse de sang démontre que son corps réagissait dans le bon sens. L’hypothèse d’un virus demeure encore la plus plausible.
Et puis en juin, ce fameux ulcère cornéen indolent dans l’œil gauche de Charming. Je ne pourrais pas résumer en moins de trois pages tous les dommages et les soins que ce tout petit trou dans la cornée a pu causer. Pour l’instant je préfère oublier les détails de ces trois mois d’incertitudes et profiter du fait qu’elle va bien maintenant. Aussi difficile que cela a pu être, j’ai un profond sentiment de travail accompli. Pas de regrets, ce qui efface les mauvais souvenirs.
Bien sûr, avoir plusieurs chevaux multiplie les risques de rencontrer toutes sortes de troubles de santé, des plus banals aux plus graves. Avant même d’avoir Charming, étonnée de voir tout ce qui pouvait arriver à un cheval, je répétais à qui voulait l’entendre que Windy devait avoir au moins sept vies.
Je retiens surtout que ces périodes plus difficiles où je m’efforce de faire de mon mieux, renforcent bien souvent les liens que j’ai avec mes chevaux. J’apprécie la confiance qu’ils me portent. C’est là aussi que je réalise à quel point je suis responsable de la relation que j’ai créée avec eux, pour le meilleur et pour le pire.
(8 octobre 2024)
Vous auriez dû voir la vitesse à laquelle Billy tourne vers la gauche en sortant de l’écurie. Avec Billy une habitude ça se prend vite, surtout quand elle va dans le sens de ses préférences. C’est un privilège accordé de temps à autre de pouvoir manger de l’herbe tôt le matin. Depuis quelque jours je les amène sur la butte à côté de l’écurie avant que les sucres montent en trop grande quantité dans les tiges. Billy ne cache pas sa joie d’avoir retrouvé sa compagne après trois long mois de séparation. Il la suit de près et retourne près d’elle à la moindre inquiétude ou simplement pour l’agacer. Ils sont quand même beaux à voir ensemble! Tous les deux dans la même position, ils broutent…et me surveillent!
Summer et Maggy s’attardent souvent près de l’enclos. Je fais attention en allant porter Charming et Billy de refermer la barrière tout de suite derrière moi pour éviter que Summer vienne rejoindre Charming avec laquelle elle a beaucoup d'affinités. J’imagine que ça ferait aussi beaucoup plaisir à Billy qui en profiterait pour déclencher des courses et des jeux. L’endroit est un peu restreint pour un party à quatre. J’aimerais bien les mettre ensemble, dans un plus grand espace, mais on a toutes les raisons de se méfier de Billy qui ne demanderait pas mieux que d’aller explorer les alentours et créer la pagaille pour se faire de nouveaux amis.
Je me dis alors que pour nous les humains, peu importe l’étendue du territoire, par excès de prudence peut-être ou pour éviter les ennuis et assurer la quiétude; à quelque part il y aura toujours des barrières.
(4 octobre 2024)
« Je rêve de monter à cheval depuis que je suis toute jeune, je voudrais faire du Gymkana! »
« Je suis débutante et je n’ai pas de cheval mais j’aimerais prendre des cours de Dressage! »
« Tu devrais la sortir! »
« Est-ce que tu montes classique ou western? »
« J’ai un cheval de saut ! »
« C’est juste un cheval de randonnée! »
« Dommage que tu ne fasses rien avec! »
Rien d’offusquant dans ces propos sauf peut-être le dernier qui laissait entendre que je ne faisais rien avec ma jument Zig …
C’est vrai que je ne me suis illustrée dans aucun concours. Peut-être que Charming aurait pu suivre les traces de son père, champion de Reining! On pourrait imaginer Zig, Karel et Gaby, toutes trois d’une lignée d’athlètes de Crosscountry, dévalant les collines, s’élançant sur les obstacles entourés de buissons et de fleurs… Le beau et grand Zippo lui, se serait peut-être fait remarquer en plaisance classique...
Bravo pour ceux qui accumulent les rubans, reçoivent des médailles ou des trophées… des réussites au prix de beaucoup d’effort! Un but ultime que bien des cavaliers se donnent pour avancer. Ils concrétisent leurs rêves. C’est ce qu’on voit le plus souvent dans les médias, ce qui est vu et admiré à travers différentes disciplines équestres et qui reste dans la mémoire de la plupart des gens.
Ce serait bien triste de penser que tous ceux qui n’ont rien gagné officiellement, que tous ceux qui n’ont jamais osé ou eu envie de se présenter dans un événement avec leur monture, n’ont jamais éprouvé de fierté ni de satisfaction.
Je pense que le plus grand défi est un défi de tous les jours, qui fait qu’on ne se lasse pas de passer du temps avec les chevaux. Le but alors est d’être un peu meilleurs chaque jour en espérant que notre cheval ait envie d’être avec nous et veuille bien nous suivre. En imaginant que c’est le cheval qui juge et octroie les rubans, on fait de notre mieux pour qu’il saisisse bien le but du jeu et qu’il comprenne le message. Pour diminuer la pression, on se concentre sur la chance qu’on a de pouvoir bouger avec notre partenaire et de profiter du dehors en utilisant tous nos sens, que ce soit la vue, l’ouïe, l’odorat ou le toucher. On essaie de se détendre, de vivre le moment présent.
Personnellement, à chaque fois que je monte ou que j’interagis avec un cheval, j’entretiens une conversation avec un être vivant qui mérite d’être connu. Tous mes chevaux à leur manière m’ont parlé de respect, de responsabilités, de dignité, de loyauté, de légèreté et de sensibilité, de volonté, de liberté et j’en passe… Toutes des choses qu’on ne peut pas mesurer mais qui donne de la valeur à ce qu’on fait.
Côtoyer les chevaux, s’en occuper, apprendre à les connaître, connecter avec eux, ce n’est pas rien.
27 septembre 2024)
À me voir répéter à peu près les mêmes gestes jours après jours, Karel et Boréale ne se posent même plus la question quand elles me voient arriver dans l’avant-midi avec mon chariot porte-selle sur roue. Karel attend sa galette de foin supplémentaire sur les tapis tandis que Boréale se tient à la porte, prête à sortir de l’enclos pour se faire seller.
C’est comme Summer et Maggy qui, après avoir brouté une bonne partie de l’avant-midi autour de l’écurie, se dirigent par elles-mêmes vers leur enclos quand elles nous voient approcher.
Ce sont devenu des habitudes et je crois qu’elles font le choix de coopérer plutôt que de riposter ou d’argumenter. Karel a toujours été la première à se précipiter à la barrière pour venir me trouver avec l’espoir de sortir. Cet été, je me suis sentie prise au piège entre céder à mon sentiment de culpabilité envers Karel ou bien de m’arranger avec le peu de temps que j’avais de disponible pour monter Boréale. Pour aider à ma conscience, j’ai commencé à leur apporter du foin avant d’aller chercher Boréale pour son entrainement qui, une fois terminé donnait le signal à Karel d’attendre à la barrière que je les amène toutes les deux au champs pour le reste de la journée. C’est devenu comme un rituel.
Dans l’équipe Summer – Maggy, c’est Summer qui est le leader. Un peu comme Charming mais de façon beaucoup plus subtile, elle a tendance à vouloir prendre ses propres décisions. Très vite elle a préféré réintégrer son parc librement plutôt de se faire mettre le licou. Maggy, elle, se résigne à suivre Summer s’il n’y a pas d’autres options. Il lui arrive de prendre l’initiative de partir en courant et tenter de changer la donne mais elle finit toujours par rejoindre sa compagne. Notre rôle se résume habituellement à faire valoir notre idée en se positionnant bien, en les observant bien et en les accompagnant aussi bien. C’est là que la phrase : « Lent et bien vaut mieux que vite et mal » prend tout son sens. À partir du moment où elles commencent à nous apercevoir et nous observer, tout dépend de notre attitude. Je pense qu’on peut sauver beaucoup de temps en leur donnant le temps de réaliser qu’ils peuvent choisir de nous suivre. Ça dépend en bonne partie de comment ils nous perçoivent, selon les bonnes ou mauvaises habitudes qu’on a acquises et du contact qu’on réussit à établir; ce qui est plus facile dans un environnement calme.
Développer de nouvelles et bonnes habitudes, c’est la base du Horsemanship et c’est ce qui nous permet d’être à l’écoute, de communiquer et d’enseigner aux chevaux. Le mot « habitude » se définit comme une manière d’agir ou de se comporter en tant que personne. En relation avec notre cheval, les habitudes s’installent dans la manière de l’approcher, de le préparer, etc. etc. etc.
Comme les habitudes s’appliquent aussi à une collectivité ou un milieu, c’est pas étonnant que les personnes impliquées ici à la ferme Harmonie, adoptent la même philosophie et développent les mêmes techniques de base dans la manière d’interagir avec les chevaux.
Cela dit, ce n’est pas mauvais de changer les habitudes et en créer de nouvelles. La routine a quelque chose de rassurant mais elle peut aussi à la limite générer de l’anxiété. Rien qu’à penser aux chevaux qui ont l’habitude de rentrer ou d’être nourris à heure fixe. Pour éviter tous ces pièges et agrandir le territoire de confort « mental et émotionnel » du cheval, il convient d’exposer les chevaux aux changements d’une manière sécuritaire et progressive en respectant leur tolérance et leur volonté. Une habitude peut se créer en quelques minutes ou au fil des jours. Il y a toujours un juste milieu où l’on peut intervenir et je pense que la nature elle-même apporte un équilibre pour les chevaux qui ont la chance de l’explorer. Un milieu plus naturel, avec des expériences et des défis qui changent d’une journée à l’autre, permet au cheval de « s’adapter » et de « s’habituer » à différentes situations.
Et puis, les bonnes comme les mauvaises habitudes sont faciles à acquérir mais difficiles à perdre, comme en témoigne notre petit Billy avec son obsession à ouvrir les poubelles. 😅
(25 septembre 2024)
On entend parler des chevaux le plus souvent à travers l’expérience vécue par les cavaliers. On accorde à ces derniers un titre ou encore des médailles quand ce n’est pas un prix en argent. On va parler de leur parcours, vanter leurs habiletés et ceux-ci vont gagner en notoriété en aidant d’autres cavaliers à devenir des champions.
Mais qu’en est-il de leur monture? On ne sait pas grand-chose, on ne parle pas souvent d’eux. Quel genre de cheval il est? Son tempérament, ses caractéristiques physiques, qu’est-ce qui l’a amené à bien performer? Dans quel environnement il a vécu, quelle sorte d’entrainement il a reçu.
Dans la plupart des activités équestres, on fait l’éloge des aménagements et de l’organisation . Les participants s’expriment souvent sur le plaisir qu’ils ont eu à apprendre de nouvelles choses, les difficultés rencontrées ou ce qu’ils ont réussi à faire avec leur cheval. Pas beaucoup de temps pour se demander comment le cheval a vécu l’expérience.
Il y a quelques années, j’ai fait l’exercice d’écrire ce que représentait pour moi et pour ma jument Charming l’enregistrement d’une audition d’une durée de dix minutes dans le but de passer un examen en Natural Horsemanship. Mais en fait, ça parle surtout de Charming et de la relation que j’entretenais à ce moment-là avec elle. Deux longs textes pour tenter de résumer, d’expliquer en mots ce que nos deux esprits et nos deux corps arrivaient à se communiquer. Une conversation entre deux vieilles amies qui tentaient une nouvelle aventure, n’utilisant que le langage du corps tout en demeurant à l’écoute l’une de l’autre. Bonne lecture!
L'AUDITION
Qu’est-ce que dix minutes dans la vie d’un cheval ? Charming Lady Bronze n’a jamais su qu’elle passait une audition par vidéo. Elle était ma partenaire équine pour l’évaluation de type « Freestyle » niveau 3 en « Parelli Natural Horsemanship ». Elle était l’élément central, à la fois l’exécutante et l’esprit de cette répétition finale. Elle ne s’est pas sentie jugée, elle a fait de son mieux dans les circonstances. Pour en arriver là, bien des choses ont changé pour elle; un long cheminement où des habitudes et des liens se sont créés pour qu’elle accepte de partager ces dix minutes avec moi.
Charming Lady Bronze tétait encore sa mère lorsque je l’ai choisie pour succéder à mon cher vieux Windy. Charming Lady, du nom de sa mère et Bronze pour décrire sa robe nuancée de doré, brun et noir. Celle qui m’a ensorcelée dès la première rencontre s’est vite affirmée en tant que pouliche intelligente, décidée et têtue, très différente du sensible Windy au cœur si grand.
Les bases de notre relation ont débuté par des coups de pieds bien placés pour déclarer sa susceptibilité et un entêtement déconcertant dans ses exigences et ses refus. On aurait dit qu’elle était programmée à faire exactement le contraire de ce lui était demandé. Elle voulait être le boss et surtout, faire le moins possible. C’est là que j’ai compris comment on peut se sentir inintelligente face à une pouliche de moins en moins petite, qui sait exactement comment faire fi de l’autre et imposer sa volonté. Par esprit de contradiction Charming préférait ignorer ou encore s’opposer à des idées sans intérêt pour elle. Elle m’a appris l’humilité en me faisant pleurer sur mon égo. Elle m’a fait rager aussi, tout en me faisant sentir coupable.
Pour lui enseigner les Sept Jeux au sol, qui sont la base du Natural Horsemanship, j’ai dû chercher des solutions au-delà des lamentations; trouver moyen de rire et chanter pour mieux la déjouer. Afin de sauvegarder mon leadership et ma sécurité, pour ne pas la confronter j’ai intégré le concept de la psychologie inversée, un combat mental qui s’est avéré d’une incroyable efficacité. Faire le contraire de ce à quoi elle s’attendait était la meilleure façon de la faire réagir et lui donner le goût de s’exécuter.
Toute jeune elle répétait sans cesse : « Laisse-moi faire, je suis capable toute seule! » J’ai donc pris l’habitude de proposer d’abord et de la laisser faire. Ce fut là les bases de notre entente mutuelle; suggérer, attendre, et surtout, ne pas la forcer.
Tranquillement, à travers les exercices au licou et à la corde, elle s’est mise à évoluer sur de plus grandes distances, avec plus de vitesse et surtout de meilleures réponses. J’ai fini par sortir les gros arguments, des gâteries qu’elle réclamait comme dû pour son effort. Galoper sur un cercle fut un défi de taille, l’arrêt étant son allure préférée. Certains exercices comme : reculer, faire des pas de côté, n’étaient pas non plus dans sa palette; en tout cas, pas sur demande. « Pourquoi je ferais ça? », semblait-elle dire. Alors que faire? La solution était de lui donner un but et de rendre ça intéressant en lui présentant par exemple des puzzles à résoudre pour exciter sa curiosité et faire honneur à son intelligence. Émotionnellement, il fallait la rassurer, pour me faire pardonner mes maladresses et la mettre de bonne humeur à l’occasion avec un bonbon. Une autre règle qu’elle m’a apprise : ne jamais faire la même chose plus que deux fois. « Je fais l’effort une fois, je le refais plutôt bien, puis après, oubli ça c’est ennuyeux! » Car pour Charming, la diversité était stimulante, une invitation à essayer, ou à se jouer de moi.
Par la suite, toujours au sol et sans attaches, c’est-à-dire sans licou ni corde, en répétant les mêmes gestes pour la communication, j’ai commencé à obtenir quelque chose qui ressemblait à une belle complicité en liberté. Comme on dit dans le Natural Horsemanship : « La vérité ressort quand on enlève le licou ». J’avais appris à lui faire des propositions claires et lui faire confiance…en espérant bien sûr que ça lui tente! De son côté, elle s’activait enfin à chercher mon idée et répondre à mes attentes.
C’est au cours de son débourrage vers l’âge de trois ans, que son aversion teintée d’anxiété à porter une selle s’est manifestée par de nombreuses séances de rodéo. Comme toujours, elle donnait son opinion. S’en est suivi bien des réflexions et des consultations avec des spécialistes pour essayer de mieux comprendre son idée et agir en conséquence. Encore maintenant, elle m’oblige à toutes les précautions par des petits signes explicites dès qu’elle devine mes intentions.
Mais à force d’obstinations et de négociations, elle s’est résolue d’assez bonne grâce à exécuter en selle les exercices appris au sol à la corde et en liberté. Tout au long de son développement en équitation, que ce soit dans le manège intérieur ou à l’extérieur, seules ou avec des amis, avec ou sans obstacles, on a appris à s’entendre et à s’améliorer. De mon côté j’essayais de lui nuire le moins possible dans ses mouvements, de lui faire comprendre mon idée pour la suite des choses alors que Charming elle, devenait une compagne plus indulgente et volontaire. Je découvrais son hypersensibilité et son besoin d’être respectée et écoutée. Nos efforts mis ensembles, l’évènement que nous préparions semblait en bonne voie de se concrétiser.
Le jour de l’audition, pour les dix minutes de vidéo, j’ai suivi mon instinct et choisi de la monter sans selle, sans licou et sans bride. De la musique pour créer une ambiance, pour se synchroniser et dissiper la pression ainsi que différents obstacles éparpillés dans l’aréna afin d’improviser un tout nouveau parcours…
Charming m’a suivie jusqu’au gros baril bleu sur lequel je suis montée pour m’asseoir sur son dos. Quelques ajustements et on est parties toutes les deux pour un grand voyage rempli d’attentes, de défis, de discussions intéressantes, de consentements et de satisfactions. Charming reconnaissait les cônes qu’il fallait contourner. Elle sentait mes jambes et mes hanches qui la guidaient en ondulant sur le slalom comme sur une pente de ski. Elle pouvait suivre mon focus le long des murs, changer d’allure, s’arrêter à des endroits précis, dans certains coins. Elle n’a pas hésité à traverser le rideau; s’arrêter, reculer au travers sans jamais perdre la direction. Deux fois, elle a sauté par-dessus les barils, des envols empreints d’appréhension et de bravoure. Elle a posé fièrement sur un piédestal, fait des pivots sur une toile aussi bruyante qu’un amas de feuilles, poussé le ballon avec acharnement. Elle suivait mon énergie : focus, pression, relâchement et attendait les directives pour la destination suivante. Des pas de côté sur des pôles disposées en forme de « L », telle une manœuvre délicate autour d’un précipice et encore des pas de côtés sur des barils comme pour enjamber et passer sur les aspérités et les reliefs. Elle s’est arrêtée le temps que je raccroche la corde pour refermer la barrière, puis, des boucles vers la gauche, des boucles à main droite, parfois au pas, parfois au trot ou au galop, en passant par la boîte à question au centre, un carré formé de 4 objets en guise de coins. Le point culminant c’est quand Charming effectue des changements de pieds au galop pour changer de direction. C’est l’apothéose. Et pour finir, pivot sur les hanches et une dernière tournée d’accélération au galop. Comme tout beau voyage qui se termine sans trop d’anicroches, Charming s’est arrêté vivement, calmement et je descendis gaiement, en riant.
J’ai reçu une belle note de passage, un panneau de signalisation vers le niveau 4. Mais personne ne pourra jamais évaluer à sa juste valeur ce que Charming et moi avons pu vivre au cours de ces dix minutes. Un bon moment où elle a choisi de me suivre avec une certaine liberté et où je ne pouvais compter que sur notre entente réciproque pour la guider d’un endroit à l’autre. Une longue conversation, basée sur un minimum de compréhension et de respect... que je vais tenter de partager avec vous.
Comme je disais précédemment, Charming Lady Bronze, ma charmante petite pouliche s’est avérée surprenante tout au long de sa vie à bien des points de vues. La couleur de sa robe, que personne encore n’est arrivé à nommer change à chaque saison. Ainsi le doux duvet brun du printemps laisse ressurgir en été un fond doré très lumineux, pommelé d’une multitude d’étoiles foncées. Elle roussit en septembre puis grisonne en hiver pour donner la couleur taupe. La première mue du printemps fait tomber les longs poils blancs et ainsi la métamorphose se renouvelle à chaque année. Seul le noir du bas de ses jambes, de sa queue et de sa crinière foncée restent inchangés. C’est amusant de voir apparaître des sourcils lorsque son visage brun se met à pâlir petit à petit. Cela amplifie les traits de son caractère qui transparait particulièrement à travers ses yeux ambrés d’une intensité qui ne laisse aucun doute sur la vivacité de son esprit et sur quoi elle concentre son idée.
Son langage corporel est aussi très clair lorsque vient le temps d’exprimer sa pensée. On voit ses muscles compacts se rondir et ses oreilles se tendre. Son aura s’impose alors et les faisceaux lumineux de ses yeux nous hypnotisent pour attirer inévitablement notre attention. Habituellement c’est pour signifier : « Attention, je passe!» ou encore :« Apportez-moi à manger! », si ce n’est pas : « Tasse-toi! » ou : « Non mais… c’est donc ben long! ».
Curieuse de nature, elle n’hésite pas à prendre contact avec les objets et les gens. Et rien ne l’empêchera de s’en éloigner rapidement si l’objet de convoitise n’est pas intéressant, à prendre en charge, ou mangeable. Sauf urgence, elle n’est pas pressée. Elle résiste à la pression, sa vie à elle s’écoule au rythme de ses propres besoins.
Son premier réflexe étant de dire « non », j’ai très vite perçu l’ambiance de nos échanges et l’image de notre partenariat. Charming, qui traine inlassablement et qui dit intelligemment : « Pourquoi je ferais ça? ». Et moi qui m’agite follement, impatiente, si peu convaincante.
Le dialogue entre Charming et moi s’est installé lentement. J’ai dû apprendre à parler le langage corporel. J’ai aussi appris à la suivre pour ne pas lui nuire dans ses mouvements, à moduler vivement mon énergie et à l’adoucir comme pour lui chuchoter. Elle s’est prise au jeu d’essayer de me comprendre. Il a fallu des ajustements de l’une et de l’autre pour faire suite aux incompréhensions, à rechercher ces merveilleux instants d’harmonie à travers un cheminement d’explications complexes, épuisantes par moments.
Le jour de l’audition, on est parties ensemble, avec nos hâtes et nos doutes, nos pensées que trahissaient nos corps, vers un nouvelle version du parcours, toutes les deux prêtes à accompagner l’autre, sans empressement, ni hésitation.
Tout ce que portait Charming, était un tapis pour la monte à cru et une cordelette autour du cou. Quant à moi, comme seul équipement, je tenais mon Carrot stick , un outil de communication qui sert à prolonger le bras pour transmettre l’information et caresser en signe de remerciement. Avec mon long bras je l’invitai donc à s’approcher du baril pour que je puisse monter dessus.
- « Viens vite ma belle, on a un beau parcours à faire. Oui, je sais, c’est stressant quand il y du monde qui nous regarde. Oups, oublie ça, je n’ai rien dit. Il n’y a personne d’autre que toi et moi. »
- « D’accord, mais je te sens un peu plus nerveuse que d’habitude… », répondit Charming en s’arrêtant à un pied du baril.
- « Encore un pas, s’il-te-plait. » Du bout du Carrot stick je lui tapotai la croupe avec un peu plus d’insistance.
- « Ça y est, on est parties. Ah? la musique s’est arrêtée… Ouf ! Elle est revenue. Regarde, la toile bleue là-bas, on y va?»
- « Oui, c’est un bel endroit pour s’arrêter.»
Je sentis son empressement mais elle accepta quand même d’y exécuter un pivot sur les antérieurs. Nous nous dirigeâmes vers le mur au petit trot pour ensuite le longer.
- « Continue tout droit Charming, on passe à travers le rideau. » Elle n’hésita pas. J’expirai lentement et en réorientant mon énergie vers l’arrière, je l’arrêtai d’une légère pression sur la cordelette qu’elle avait autour du cou.
- « Et si on le retraversait mais en reculant cette fois? Ah, tu t’y attendais… Merci Charming d’être à l’écoute. »
- « Ça va, c’est pas la première fois. Maintenant que tu relaxes, on peut repartir? »
- « Ok, pour changer on va faire un peu de coin à coin. C’est un exercice obligatoire. Oups, j’ai perdu le focus, on a manqué le détour. »
- « Oui, ton corps est en retard sur tes idées. J’ai compris, je peux même arrêter où tu veux, même partir du galop. Mais cette fois je contourne le rideau. Tu ne l’as pas vu venir alors j’en profite. »
- « Bon point pour toi Charming, mais tasse-toi un peu qu’on revienne au mur. Et si on allait faire le slalom autour des quatre cônes? On l’a tellement bien pratiqué.»
- « On ne va pas trop vite? C’est un peu serré pour tourner. Attention, tu es trop brusque sur la direction. Lâche-moi avec ton Carrot stick, je pourrais me fâcher! »
- « Désolée, je vais me reprendre, allons faire un tour, que je me remette au neutre. On reprend et cette fois dans de meilleures conditions. Et si on faisait des pas de côté entre chaque cône? Les ondulations sont tellement plus élégantes… »
Après le dernier tournant je lui proposai d’aller monter sur le piédestal.
- « Yé, le bloc de la sainte paix…j’y resterais des heures. Mais tu veux vraiment que je pivote là-dessus? J’essaie, mais ça glisse… »
- « Ok on laisse tomber les pivots. La boîte à question nous attend. »
Et on discuta ainsi en variant les allures, en faisant des boucles dans différentes directions pour finalement s’arrêter à la barrière. Manœuvre délicate où j’ai tout intérêt à me calmer pour donner les directives à Charming.
- « Tasse-toi un peu que je décroche la corde. Non, pas par en avant. Oh, excuse-moi, trop de pression. On recule un peu et je respire. Un pas de côté, je lève la corde, on traverse, tu déplaces tes postérieurs, tu ne bouges plus, je dépose la corde et je respire. »
- « Un bonbon peut-être? J’attends. » Charming le méritait incontestablement.
L’aventure se poursuivait.
- « Regarde Charming, le gros ballon vert, quelqu’un l’a déplacé. Pousse-le! »
- « Voilà, c’est fait. Encore? Tu vois bien qu’il est coincé…et puis tu m’énerves à me bousculer ainsi. »
- « Recule et replace-toi en face du ballon, tu vas pouvoir le sortir de là. Bravo! »
Le ballon alla rebondir dans les portes de métal avec un bruit fracassant. Haussant les épaules, je me concentrai sur l’étape suivante.
- « Tu vas comprendre très vite quand tu les verras. On fait un grand détour puis on revient vers les barils pour sauter. Super Charming, tu es championne! Et si on recommençait? »
La frénésie du voyage prenait le dessus sur la sagesse mais Charming, en bonne partenaire, s’accommodait tant bien que mal de ces paris trop risqués. Il y eut juste une petite mésentente au deuxième atterrissage.
- « Je croyais qu’on devait tourner à droite, comme la première fois. Qu’est-ce qui te prend de changer d’idée juste avant d’arriver au mur. » Charming leva la tête de côté et me regarda d’un œil qui exprimait de la confusion.
- « Je sais, je suis désolée mais tu étais un peu excitée et tu allais trop vite. » Et pour détendre l’atmosphère j’enchainai. « Allons plutôt nous amuser sur les pôles disposées en forme de « L», en lignes doubles». Je l’amenai à l’extrémité de la grande ligne extérieure. Tout se passa bien, Charming croisait les jambes sans toucher les poteaux au-dessous de son ventre.
- « Je me rend jusqu’au coin, je pivote sur les antérieurs, je continue sur l’autre ligne pour arriver au bout. Je me repositionne pour entamer le deuxième « L » dans l’autre sens… »
- « Attends Charming, il faut passer les antérieurs par-dessus le poteau. »
- « Non, moi je veux le faire en arrière du poteau, c’est comme ça que je le fais habituellement. »
- « Ouais, je sais que tu trouves ça plus facile au coin pour pivoter sur les postérieurs. Comme tu as un bon rythme, je te laisse faire. Ça me donne une idée, si on continuait en pas de côté jusqu’à ces gros barils couchés là. Je suis certaine que tu es capable. Examine bien la situation, place bien tes pieds. »
Puis un bref moment de soulagement pendant lequel j’entendis au loin la voix de mon instructeur me dire : « Il reste les changements de pieds au vol ».
- « Viens Charming. On peut le faire. » Et nous voilà reparties pour des boucles sans fin dans cet exercice de coordination et de complicité où le duo cavalier /cheval fait un, une réorganisation dans le temps et dans le corps en vue d’un changement de direction au galop.
La séance s’achevait. Pour finir en beauté j’invitai Charming pour un dernier tour de piste.
- « Droit devant Charming, cours aussi vite que tu peux. »
- « Ok, j’y vais aussi vite que je veux et j’arrête quand tu veux. »
Je me laissai glisser au bas de ma monture, contente d’être arrivée à destination et comme fatiguée d’avoir un peu trop parlé. Quant à Charming, comme toujours elle vivait le moment présent, prête à aller vaquer à ses occupations habituelles.
(11 septembre 2024)
Charming est de retour dans son parc avec Billy! Son œil est complètement guéri, à peine si on voit un léger nuage blanc. J’aurais pu choisir d’étaler en photos l’évolution lente et compliquée d’un ulcère cornéen ravageur et douloureux, mais ce sont les images colorées et apaisantes de mes sorties avec elle après les traitements, qui ont retenu mon attention. Des moments saisis tout au long de ces trois derniers mois où j’ai pu l’admirer sans rien demander et la remercier de sa belle coopération.
Six fois par jour, je suis allée lui injecter différentes gouttes à cinq minutes d’intervalle dans le cathéter installé dans sa crinière. Très vite elle a fait le lien entre mon action et la douleur exacerbée dans son œil et ce n’est donc pas étonnant qu’au début elle faisait tout pour m’empêcher d’approcher. J’avais moi-même envie de me sauver. Je prenais une bonne respiration, je rentrais dans le box et quand elle s’agitait je me tassais dans un coin et je la laissais bouger en attendant qu’elle se calme. Puis quand je sentais que je pouvais la toucher et m’avancer jusqu’à son épaule sans trop d’hésitations, lentement mais sûrement j’introduisais l’aiguille dans le cathéter pour pousser ces fameuses gouttes jusque dans son oeil. Je lui donnais un morceau de carotte et puis je m’en allais. Avec le temps, c’est devenu plus facile mais toujours inconfortable ou même douloureux pour elle. Je le voyais à la façon qu’elle avait d’écraser son nez entre les barreaux en arrêtant de respirer.
J’ai réalisé au cours de ces longs mois qu’elle me faisait confiance et avait besoin de mon leadership. Je me suis efforcée de faire les choses pour elle, pour sa guérison, en pressentant qu’elle le comprenait. Les habitudes se sont installées comme dans une rituel de soins où j’essayais d’être ferme et rassurante tout en lui donnant la chance d’accepter et de s’impliquer dans chacune des interventions. C’était la bonne façon de faire avec Charming, proposer et attendre qu’elle soit prête. Les récompenses faisaient aussi partie de la routine et sont devenues obligatoires, pour elle comme pour moi. Une façon de décompresser, de profiter de l’été et aussi de se faire plaisir!
Je me dois de mentionner que plusieurs personnes ont participé au processus de guérison qui a permis à Charming de garder son oeil. Ghislain tout particulièrement qui m'a été d'un grand support, les amis de l'écurie qui ont se sont occupé de tout pendant nos visites à l'hôpital, les vétérinaires de la région, l'ophtalmologiste et les intervenants du CHUV.
(7 septembre 2024)
Cette photo à elle seule résume cette longue période où j’ai été absente sur ce site : Charming et moi, fortement liées et captives d’une situation inattendue qui nous a menées pour une première fois à l’hôpital vétérinaire à Ste-Hyacinthe, puis une deuxième et troisième fois pour un suivi en ophtalmologie dont on ne connaît pas encore l’aboutissement à ce jour.
Plus de deux mois se sont écoulés depuis les premières coulisses de larmes sous l’œil gauche. Au début on s’inquiète un peu, espérant que ce ne soit pas grave, une simple irritation, une piqûre de moustique… Puis sans qu’on le veuille, on se retrouve prise dans un engrenage de décisions et d’actions. On ne sait pas où cela va nous mener, la seule certitude étant qu’il faut faire quelque chose.
Des moments intenses dont on n’a pas tellement envie de parler; des mauvaises surprises qu’on aurait voulu pouvoir éviter. Des problèmes à examiner, des solutions à trouver; en fait tout ce qui nous éloigne de notre ordinair